L’Exercice critique – Maryam Tafakory, élégie du désir

« J’ai péché, péché dans le plaisir », les mots du poème de Forough Farrokhzad forment le titre et la trame d’un des films de Maryam Tafakory sur les stratagèmes de la morale et de la loi pour circonscrire le désir féminin – c’est en mangeant de la laitue qu’on contrôle ses ardeurs, assure une autorité religieuse dans un sermon télévisé. Dans son dernier film, Daria’s Night Flowers, les désirs proscrits des femmes se mêlent à une botanique de l’image. Le Livre des fleurs, manuscrit ancien des plantes de Perse, s’incorpore aux images du cinéma populaire iranien pour raconter des récits de violence et d’effacement.
Les films de Tafakory explorent un même corpus de films, celui d’un cinéma populaire iranien post-révolution qui a marqué son enfance et son adolescence, films dont elle cherche moins à faire l’exégèse qu’à faire apparaître ce qui ne saurait s’y trouver, ce qui ne peut s’y exprimer. Ses essais entre collages, poésie et performance, se jouent des codes de la censure en remontant ces images populaires pour révéler la sensualité qui s’y dissimule dans un geste, un regard ou un raccord. Ses montages sont des palimpsestes d’images, de textes et de voix qui convoquent les histoires absentes du cinéma iranien, c’est un art de fantômes et une élégie du désir.

Alice Leroy