L’association Docmonde propose des formations à l’écriture documentaire et à la production et organise des rencontres internationales de coproduction dans différentes régions du monde : Afrique, Eurasie, Asie du Sud-Est, Amazonie-Caraïbe, océan Indien. Les derniers films soutenus, bien que provenant de contextes géographiques, politiques et culturels différents ont tenté de répondre à cette question chère au documentaire : comment vivre ici ? Une question, posée par un personnage de L’Homme-Vertige, le film de Malaury Eloi Paisley, qui a guidé cette sélection de trois films soutenus par l’association. Trois objets éloignés, trois récits à bonne hauteur, chacun face à son monde et aux systèmes qui régissent ceux-ci.
Campus Monde, le moyen métrage de N’tifafa Yannick Edoh Glikou, ouvrira cette programmation avec la plongée dans un cabinet de conseil en immigration d’Abidjan. Des jeunes Ivoirien·nes y sont aidé·es à affronter le système occidental qui accorde les visas de tous types : études, travail, vacances. Un système dont il faut cerner les logiques pour monter sa stratégie de départ. Un système de classe fondamentalement raciste où la suspicion se dépose sur chaque récit, chaque raison qui mènerait l’un·e ou l’autre de ces jeunes gens à quitter leur pays. Le film trouve son rythme dans sa forme redondante, entretien après entretien, et l’épuisement par cette spirale procédurière. Le marché du rêve décomplexé alimenté par l’Occident et fond de commerce de ce genre d’instituts est guidé par une logique de sélection de quelques heureux·ses élu·es, tenté·es par une vie plus prospère, autorisé·es à passer au Nord.
Dans Ever Since I Knew Myself, Maka Gogaladze opère un retour à l’enfance pour se confronter à la discipline et la conformité imposées par la société géorgienne à sa jeunesse. Rejouant des scènes traumatiques de son enfance pour pointer la rigueur installée jusque dans ses relations les plus intimes, la cinéaste raconte la socialisation par la correction et l’enseignement de la discipline plutôt que celui de la liberté. Caméra statique, plans rigoureux et composés, la mise en scène qu’elle propose s’aligne avec la rigidité culturelle. Un rythme strict à l’image des valeurs rigoristes du pouvoir politique en place. Mais avec le cinéma comme réponse, la cinéaste subvertit ce ton glacial par l’humour et par le jeu. À revers de l’enfance à canaliser, à modeler et à faire rentrer dans les cadres persiste l’enfance comme résistance.
Enfin, à Pointe-à-Pitre, L’Homme-Vertige observe un système déjà effondré. Les mécanismes oppressifs sont passés par là, laissant une ville en ruines. Ici, où plus rien n’est aux normes pour accueillir les humains, c’est la ville qui est le dernier piège pour ses habitant·es. Toujours là, après leur fin du monde à eux. Malaury Eloi Paisley les rencontre, immenses, bien présent·es dans ce vestige et sans doute moins errant·es et en perdition que le monde qui les a abîmé·es. Leurs visages obliques s’élèvent face aux bâtiments qui s’effondrent. Il ne reste pas grand chose de leur terre détruite par le colonialisme mais les histoires et les corps sont libres et les plans de la cinéaste en témoignent. « Il y a le soleil d’un côté et la lune de l’autre, c’est un drôle de paradoxe. Ça me rend presque paranoïaque.»
Trois films pour un même mouvement, celui de subvertir un système d’oppression. Entrer dans la spirale des mécanismes autoritaires pour les faire dérailler, jouer pour affaiblir la rigueur ou errer pour trouver sa liberté. Trois narrations autres, précieuses, d’auteurices averti·es avec leur responsabilité de cinéastes en main.
Clémence Arrivé Guezengar et Tamara Stepanyan
Séances animées par Clémence Arrivé Guezengar et Tamara Stepanyan.
Débats avec les réalisateurices, en présence ou en visio.
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